La Maisonnette
Non ce n'est pas une petite maison perdue dans la campagne
C'est le nom d'un petit restaurant que j'ai fréquenté pendant que je vivais à Paris
Pourquoi parler d'un restaurant ça paraît banal, celui-ci non je ne l'oublierai pas
Directement du trottoir on y accède par quelques marches
En poussant la porte, immédiatement on ressent une bouffée de chaleur
dégagée par la petitesse de la salle, le décor , dois-je employer ce mot pour décrire
les dizaines de photos de cartes postales punaisées sans aucun ordre sur les quatre murs de la pièce on a l'impression de feuilleter un album de famille géant mêlés à cela, des bouts de tissus colorés mais vieillis par le temps
mais ce qui m'a marqué c'est surtout cette impression d'entrer chez quelqu'un d'intime quelqu'un que l'on connaît depuis longtemps
Dans un coin de la salle trône un piano droit
Les tables ne sont bien sûr pas nombreuses et serrées les unes contre les autres
Une femme âgée belle et très souriante, mais pas d'un sourire forcé, commercial, au contraire très doux, l'oeil brillant nous accueille nous indique une table en toute simplicité
Ce restaurant est tenu par un couple russe âgé de 80 ans pour la femme et 83 pour l'homme
Les préparations en cuisine sont faites principalement par le mari aidé par l'épouse entre deux services
Les clients sont servis
L'homme s'installe devant le piano après avoir pris soin de s'assurer que personne ne manquait de quoi que ce soit
La femme d'un revers de main « défroisse » sa robe s'appuie au piano fait un petit signe de tête en direction de son mari, accompagné d'un sourire entendu et complice, qui immédiatement se met à jouer
D'une voix douce et assurée la patronne entonne la première chanson : très vite la nostalgie s'installe et me donne des frissons : on ose à peine manger de crainte de faire du bruit
La chanson terminée chacun retourne à sa tâche
Et c'est ainsi toute la soirée
Nous mangeons chaud tout de même et les plats sont délicieux
Un soir tout en chantant la femme est passée derrière moi j'ai senti ses bras s'enrouler autour de mon cou : pour moi rien que moi (j'aime le croire) elle a entonné « Les Yeux Noirs ». Elle a chanté cette chanson entièrement et pour terminer elle a déposé un gros baiser dans mon cou.
Ce soir là je n'étais pas accompagné je suis resté jusqu'à une heure très avancée de la nuit à partager des verres de vodka et à discuter avec ce nouveau couple d'amis.
Par la suite lorsque je retournais chez eux je ne me rendais plus dans un restaurant mais chez des AMIS: l'accueil était de plus en plus chaleureux.
Un soir très tard (l'habitude étant prise), Maria m'a dit : « quand on quittera La Maisonnette tu viendras nous voir dans notre dernière demeure : nous, les russes nous avons notre cimetière à Ste Geneviève des bois »
Les circonstances ont fait que j'ai tardé à y retourner.
Plus tard un jour je m'y suis rendu, en poussant la porte immédiatement j'ai compris que mes amis n'étaient plus les propriétaires des lieux j'ai fait demi-tour sans un mot et depuis je pense à eux